Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 3.djvu/179

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naïvement grossières ; on n’avait pas encore, à cette époque, inventé les ruses de l’échelle mobile (écoutez, écoutez) ; mais ce n’en étaient pas moins des monopoles, et des monopoles très-lourds. Voici en quoi ils consistaient : les ducs de ces temps-là, un Butkingham, un Richmond, sollicitaient de la reine Elisabeth ou du roi Jacques des lettres-patentes en vertu desquelles ils s’assuraient le monopole du sel, du cuir, du poisson, n’importe. Ce système fut poussé à une exagération si désordonnée que le peuple refusa de le supporter, comme il le fait aujourd’hui. Il s’adressa à ses représentants au Parlement pour appuyer ses doléances. Nous avons les procès-verbaux des discussions auxquelles ces réclamations donnèrent lieu, et quoique les discours n’y soient point rapportés assez au long pour nous faire connaître les arguments qu’on fît valoir de part et d’autre, il nous en reste quelques lambeaux qui ne manquent pas d’intérêt. Voici ce que disait un M. Martin, membre de la Ligue, assurément (rires), et peut-être représentant de Stockport (nouveaux rires,) car il s’exprimait comme j’ai coutume de le faire. « Je parle pour une ville qui souffre, languit et succombe sous le poids de monstrueux et intolérables monopoles. Toutes les denrées y sont accaparées par les sangsues de la république. Tel est l’état de ma localité, que le commerce y est anéanti ; et si on laisse encore ces hommes s’emparer des fruits que la terre nous donne, qu’allons-nous devenir, nous qu’ils dépouillent des produits de nos travaux et de nos sueurs, forts qu’ils sont des actes de l’autorité suprême auxquels de pauvres sujets n’osent pas s’opposer ? » (Acclamations.) Voilà ce que disait M. Martin, il y a deux cent cinquante ans, et je pourrais aujourd’hui tenir pour Stockport le même langage. — On nous fait ensuite connaître la liste des monopoles dont le peuple se plaignait. Nous y voyons figurer drap, fer, étain, houille, verre, cuir, sel, huile, vinaigre, fruit, vin, poisson. Ainsi ce que lord Stanhope et le Morning-Post appellent protection de l’industrie nationale, s’étendait à toutes ses branches. (Rires et acclamations prolongés.) Le malin journaliste ajoute : « Lorsque la liste des monopoles a été lue, une voix s’est écriée : et le monopole des cartes à jouer ! ce qui a fait rougir sir