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tions ; autant vaudrait que nous nommions aussi des commissions d’enquête pour savoir si les membres de l’aristocratie gouvernent convenablement leurs domaines et leurs familles. » Mais c’est là un jeu dans lequel le droit n’est pas plus d’un côté que de l’autre. Que l’aristocratie sache donc qu’il ne lui appartient pas de restreindre les échanges et le commerce de la nation.

J’ai dit que je me présentais comme un témoin indépendant et impartial dans cette lutte entre les intérêts manufacturiers et les intérêts agricoles ; mais je déclare que, dans ma conviction, les intérêts, bien compris, ne font qu’un. Ce qui affecte l’un affecte l’autre.

Supposez qu’il n’y eût au monde qu’une seule famille. Un des membres laboure la terre, un autre garde et soigne les troupeaux, un troisième confectionne les vêtements, etc. — Si, pendant que le laboureur porte la nourriture au berger, il rencontre des entraves et des taxes, ne regarderiez-vous pas ces taxes et ces entraves comme un dommage pour toute la famille ? Tout ce qui empêche, tout ce qui retarde, tout ce qui entraîne des dépenses, est une perte pour la communauté. Le même raisonnement s’applique aux nations, quelles que soient la multiplicité des professions et la complication des intérêts.

En ce qui concerne l’état actuel de ce pays, vous avez été informés par une haute autorité, par un ministre d’État, que la misère, le paupérisme et le crime régnaient sur cette terre désolée. C’est à celui qui admet l’existence de ces maux à prouver que la Ligue en méconnaît la cause lorsqu’elle les attribue à cette législation qui s’interpose entre l’homme et l’homme ; lorsqu’elle affirme que la liberté du commerce entraînerait l’augmentation des salaires, que l’augmentation des salaires amènerait la satisfaction des besoins et la diffusion des connaissances, et enfin que l’extinction du paupérisme serait suivie de l’extinction de la criminalité. (Applaudissements.) Si la Ligue a raison, que la législation soit changée ; si elle a tort, que ses adversaires le prouvent.

Je sais qu’il est de mode de railler les manufacturiers et leur prétendu égoïsme ; de dire qu’ils exploitent à leur profit des