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Il est un autre sophisme qui a fait son entrée dans le monde sous le nom de traités de commerce[1]. On nous dit : « N’abrogez pas les lois-céréales jusqu’à ce que l’étranger réduise les droits sur nos produits manufacturés. » Ce sophisme repose sur l’opinion que le gouvernement d’un pays est disposé à modifier son tarif à la requête des étrangers ; il tend à subordonner toute réforme chez un peuple à des réformes chez tous les autres. Mais quelle est, au sein d’un peuple, la force capable de détruire la protection ? Ce n’est pas les prétentions de l’étranger, mais l’union et l’énergie du peuple, fatigué d’être victime d’intérêts privilégiés. Voyez ce qui se passe ici. Qu’est-ce qui maintient les lois restrictives ? C’est l’égoïsme et la résolution de nos monopoleurs, les Knatchbull, les Buckingham, les Richmond. Si l’étranger venait leur demander l’abandon de ces lois, adhéreraient-ils à une telle requête ? Certainement non. Les exigences de l’étranger ne rendraient nos seigneurs ni plus généreux, ni plus indifférents à leurs rentes, ni moins soucieux de leur prépondérance politique. (Applaudissements.) Eh bien, en cela les

  1. En 1842, sir Robert Peel, en présentant au Parlement la première partie de cette réforme commerciale que nous voyons se développer en 1845, disait qu’il n’avait pas touché à plusieurs articles importants, tels que le sucre, le vin, etc., pour se ménager les moyens d’obtenir des traités de commerce avec le Brésil, la France, l’Espagne, le Portugal, etc. ; mais il reconnaissait en principe, que si les autres nations refusaient de recevoir les produits britanniques, ce n’était pas une raison pour priver les Anglais de la faculté d’aller acheter là où ils trouveraient à le faire avec le plus d’avantage. Ses paroles méritent d’être citées :

    « We bave reserved many articles from immediate reduction in the hope that ere long we may attain what is just and rigbt, namely increased facilities for our exports in return ; at the same time, I am bound to say, that it is for the interest of this country to buy cheap, whether other countries will buy cheap from us or no. We have right to exhaust all means to induce them to do justice, but if they persevere in refusing, the penalty is on us if we do not buy in the cheapest market. » (Speach of Sir Robert Peel, 10th May 1842.)

    Toute la science économique, en matière de douanes, est dans ces dernières lignes.