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Qu’est-ce donc qui est applicable à la France ? Est-ce la restriction ? est-ce la liberté ?

Ni l’une ni l’autre. Il faut voir, examiner, résoudre les questions une à une, à mesure qu’elles se présentent, et sans les rattacher à aucun système ; en un mot, poursuivre la marche que le cabinet s’est tracée dans la voie du progrès. — (Car, quel ministre peut avouer qu’il n’est pas dans le progrès ?)

En sorte que, lorsque le chef du cabinet descend de la tribune, les libéraux se disent : Il y a une pensée de liberté dans ce discours-là.

Et les monopoleurs : Si le progrès futur va du même train que le progrès passé, nous pouvons dormir tranquilles.

Ceci n’est pas une critique.

Peut-être aurons-nous un jour le spectacle d’un premier ministre venant dire aux Chambres : « Voilà mon principe : — vous le repoussez, je me retire. Ma place est à la chaire, au journal ; elle ne saurait être au banc ministériel. »

En attendant, il faut bien se résigner à ce que, sans sacrifier explicitement ses convictions sur une question spéciale, il consulte l’opinion publique, cherche même à la modifier, mais qu’en définitive il préfère gouverner avec elle que de ne pas gouverner du tout.

M. Peel, cet homme d’État qu’il est aujourd’hui de mode d’exalter démesurément comme l’instrument, presque l’inventeur de la réforme commerciale, n’a pas fait autre chose[1].

Il y a longtemps que M. Peel est économiste, malgré la comédie de sa confession. Mais il ne s’est pas avisé de devancer l’opinion, il l’a laissée se former ; et pendant que d’autres ouvriers, dont la postérité vénérera la mémoire, se chargeaient de cette tâche laborieuse, lui se contentait,

  1. V. tome III, pages 438 et suiv. (Note de l’éditeur.)