Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est le cas actuel, sauf que le prix serait plus bas en France, et par conséquent l’importation moins lucrative. Le rayon de l’approvisionnement serait plus restreint.

S’il y a déficit partout, il y a cherté partout. C’est encore le cas actuel, sauf que le prix serait plus élevé en Bessarabie, en Égypte, aux États-Unis ; et nous serions dans le cas de faire plus, s’il était possible, que d’ouvrir les ports.

Quant à la troisième hypothèse, abondance chez nous, déficit ailleurs, c’est certainement celle où la possibilité de l’inondation est à son moindre degré.

Il n’y a donc qu’un cas où cette singulière inondation d’aliments puisse à priori paraître imminente ; c’est le cas où les aliments nous manquent tandis qu’il y en a ailleurs. C’est le cas où nous nous trouvons ; c’est le cas, le seul cas où la loi restrictive ait quelque chose de logique et de justifiable, au point de vue étroit de l’intérêt producteur.

Or, nous y sommes dans cette éventualité, et, par une inconséquence bien remarquable, nous avons rejeté la protection, non-seulement quoique, mais parce que nous nous trouvons dans l’hypothèse même qui lui sert de prétexte et d’excuse. Et qui plus est, nous en sommes à regretter de ne l’avoir pas plus tôt rejetée.

De fait, notre loi céréale est abolie, gardons-nous de la rétablir. Il ne faut pas nous créer pour l’avenir des difficultés. Il ne faut pas fournir un nouvel aliment aux préjugés et aux vaines alarmes des cultivateurs ou plutôt des possesseurs du sol. Les voilà soumis à la concurrence étrangère, il faut les y laisser, puisqu’aussi bien elle ne leur sera jamais aussi préjudiciable qu’elle peut l’être aujourd’hui. Les événements ont fait ce que tous les raisonnements du monde n’auraient pu faire ; la révolution est accomplie ; ce qu’il peut y avoir de fâcheux dans le premier choc est passé ; il ne faut point en perdre le bienfait permanent, en opérant la contre-révolution. Les prix intérieurs et extérieurs sont