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lité, la récolte a été magnifique ? Qu’est donc devenue votre théorie de la lutte à forces égales, de l’égalisation des conditions du travail ?

Vous avez mis tous ces arguments de côté, vous avez ouvert les ports sans ménagements, sans transition, sans ces sages tempéraments qui, dans d’autres circonstances, sont un commode prétexte pour ne rien faire du tout. La peur de la faim a surmonté la peur de l’inondation. Vous vous êtes fait libre-échangiste pratique, dans toute la force du terme. Vous avez été non moins radical que Cobden et plus que sir Robert Peel. Vous avez prononcé, en fait de céréales, la liberté totale, immédiate, sans condition, sans stipuler aucune réciprocité. — C’est une grande expérience. Et que nous apprend-elle ? C’est que l’inondation, loin de nous submerger, ne se fait pas assez vite au gré de vos désirs ; le commerce, la spéculation, la différence des prix, l’inégalité des conditions de production, rien de tout cela ne peut hâter assez cette concurrence étrangère si redoutée ; et pour la surexciter, vous êtes réduit à y appliquer les deniers publics et les vaisseaux de l’État.

Laisserons-nous passer un fait aussi grave sans en retirer quelque enseignement ?

Ce que vous avez fait aujourd’hui sans dommage, évidemment vous pouvez le faire toujours sans danger.

Car enfin, de quelle manière peuvent se combiner les récoltes relatives de la France et de l’étranger ? nous n’en connaissons que quatre, savoir :

Abondance partout ;

Déficit partout ;

Abondance chez nous, déficit ailleurs ;

Abondance ailleurs, déficit chez nous.

Parmi ces quatre combinaisons possibles, il n’y a que la dernière qui puisse rendre l’inondation redoutable.

S’il y a abondance partout, il y a bon marché partout.