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de prix d’achat, s’il eût occasionné moins de frais, soit pour le transport par mer, soit pour les deux transports par terre en Russie et en France, le résultat évident est que nous aurions été mieux approvisionnés et à un taux moins élevé.

En outre, nous aurions eu moins d’argent à payer aux étrangers, soit pour le blé lui-même, soit pour les frais accessoires. L’exportation du numéraire eût été moindre et répartie sur un temps plus long. En d’autres termes, la crise monétaire eût été moins sensible.

Ce n’est pas tout encore ; sous un régime de liberté commerciale établi de longue main, les peuples qui nous envoient des céréales se seraient accoutumés à consommer des produits de notre travail et de notre industrie. Nous les payerions en grande partie en étoffes, en instruments aratoires, en vins, en soieries ; et notre exportation de métaux précieux aurait été neutralisée dans la même proportion.

La loi actuelle n’a donc rien fait pour diminuer les souffrances du peuple, les embarras commerciaux et financiers de notre situation. Elle a, au contraire, beaucoup fait pour aggraver tous les effets de cette crise. — Or, et il faut bien remarquer ceci, cette loi dont les malheurs publics révèlent le vice, puisqu’on la met de côté, n’a pourtant agi que dans le sens de ses propres tendances. Donc ces tendances sont mauvaises. Elles le sont en temps d’abondance comme en temps de disette. Seulement ce n’est que lorsque le malheur arrive que nous ouvrons les yeux, et nous nous figurons alors qu’il suffit de suspendre momentanément la loi. Comme ce malade à qui l’on dit : Ce qui aggrave vos souffrances, c’est que vous suivez un mauvais régime hygiénique. — Eh bien ! répondit-il je vais le suspendre… tant que je souffrirai.