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grands coups de bâton, à cultiver la canne jusque sur les sables et les rochers les plus arides. On vit alors ce qui ne s’était jamais vu, les habitants d’un pays ne rien faire directement pour pourvoir à leur subsistance et à leur vêtement, et ne travailler que pour l’exportation.

Et les Welches disaient : C’est merveilleux de voir comme le travail se développe sur notre îlot des antipodes.

Pourtant, dans la suite des temps, les plus pauvres d’entre eux se prirent à murmurer en ces termes :

« Qu’avons-nous fait ? Voilà que le sucre n’est plus à notre portée. En outre, nous ne faisons plus le vin, la soie et la toile qui se répandaient dans tout un hémisphère. Notre commerce est réduit à ce qu’un petit rocher peut donner et recevoir. Notre marine marchande est aux abois, et les taxes nous accablent. »

Mais on leur répondait avec raison : N’est-ce pas une gloire pour vous d’avoir une possession aux antipodes ? Quant au vin, buvez-le. Quant à la toile et au drap, on vous en fera faire en vous accordant des priviléges. Et pour ce qui est des taxes, il n’y a rien de perdu, puisque l’argent qui sort de vos poches entre dans les nôtres.

Quelquefois ces mêmes rêveurs demandaient : À quoi bon cette grande marine militaire ? On leur répondait : À conserver la colonie. — Et s’ils insistaient, disant : À quoi bon la colonie ? on leur répliquait sans hésiter : À conserver la marine militaire.

Ainsi les pauvres utopistes étaient battus sur tous les points.

Cette situation, déjà fort compliquée, s’embrouilla encore par un événement imprévu.

Les hommes d’État du pays des Welches, se fondant sur ce que l’avantage d’avoir une colonie entraînait de grandes dépenses, avaient jugé qu’en bonne justice, elles devaient retomber, du moins en partie, sur les mangeurs