Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/448

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mot, de tout ce qui compose la richesse du pays, — il y aurait à nous ineptie et perversité à réclamer le libre-échange.

Et pourquoi, en ce cas, ne voudrions-nous pas de la protection ? Eh ! Messieurs, démontrez-nous que les faveurs qu’elle accorde aux uns ne sont pas faites aux dépens des autres ; prouvez-nous qu’elle fait du bien à tout le monde, au propriétaire, au fermier, au négociant, au manufacturier, à l’artisan, à l’ouvrier, au médecin, à l’avocat, au fonctionnaire, au prêtre, à l’écrivain, à l’artiste, prouvez-nous cela, et nous vous promettons de nous ranger autour de sa bannière ; car, quoi que vous en disiez, nous ne sommes pas fous encore.

Et, en ce qui me concerne, pour vous montrer que ce n’est pas par caprice et par étourderie que je me suis engagé dans la lutte, je vous vais conter mon histoire.

Après avoir fait d’immenses lectures, profondément médité, recueilli de nombreuses observations, suivi de semaine en semaine les fluctuations du marché de mon village, entretenu avec de nombreux négociants une active correspondance, j’étais enfin parvenu à la connaissance de ce phénomène :

Quand la chose manque, le prix s’élève.

D’où j’avais cru pouvoir, sans trop de hardiesse, tirer cette conséquence :

Le prix s’élève quand et parce que la chose manque.

Fort de cette découverte, qui me vaudra au moins autant de célébrité que M. Proudhon en attend de sa fameuse formule : La propriété, c’est le vol, j’enfourchai, nouveau Don Quichotte, mon humble monture, et entrai en campagne.

Je me présentai d’abord chez un riche propriétaire et lui dis :

— Monsieur, faites-moi la grâce de me dire pourquoi