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terre décroîtra. Il la vendra un jour à perte ; et alors, le nouvel acquéreur, ayant fait entrer l’impôt dans ses calculs, n’aura pas à se plaindre. — Je ne nie pas tous les maux infligés au producteur, pas plus que les avantages momentanément recueillis par lui dans l’exemple précédent. Mais je dis qu’à la longue l’impôt se confond avec les frais de production ; et il faut que le consommateur les rembourse tous, celui-là comme les autres. Au bout d’un siècle, deux siècles peut-être, l’industrie de la vigne se sera arrangée là-dessus ; on aura arraché, aliéné, souffert dans les vignobles, et finalement le consommateur supportera l’impôt[1].

Pour le dire en passant, ceci prouve que si l’on nous demande quel est l’impôt le moins onéreux, il faut répondre : le plus ancien, celui qui a donné le temps aux inconvénients et dérangements de parcourir tout leur cycle funeste.

De tout ce qui précède, il résulte que le consommateur recueille à la longue tous les avantages d’une bonne législation comme tous les inconvénients d’une mauvaise ; ce qui ne veut pas dire autre chose, si ce n’est que les bonnes lois se traduisent en accroissement, et les mauvaises en diminution de jouissances pour le public. Voilà pourquoi le consommateur, qui est le public, doit avoir l’œil alerte et l’esprit avisé ; et voilà aussi pourquoi je m’adresse à lui.

Malheureusement, le consommateur est d’une bonhomie désespérante, et cela s’explique. Comme les maux ne lui arrivent qu’à la longue et par cascades, il lui faudrait beaucoup de prévoyance. Le producteur, au contraire, reçoit le premier choc ; il est toujours sur le qui-vive.

L’homme, en tant que producteur, est chargé de la partie onéreuse de l’évolution économique, de l’effort. C’est comme consommateur qu’il recueille la récompense.

  1. V. tome V, pages 468 à 475. (Note de l’éditeur.)