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De plus, l’action de contraindre son semblable est elle-même un effort, et la résistance à cette action un autre effort, lesquels sont entièrement perdus pour l’humanité.

Il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y a pas une proportion uniforme et immuable entre un effort et sa récompense. L’effort nécessaire pour avoir du blé est moins grand en Sicile qu’au sommet du mont Blanc ; l’effort nécessaire pour obtenir du sucre est moins grand sous les tropiques qu’au Kamtchatka. La bonne distribution du travail, sur les lieux où il est le mieux secondé par la nature, et la perfectibilité de l’intelligence humaine, tendent à diminuer sans cesse la proportion de l’effort à la récompense.


Puisque l’effort est le moyen, le côté onéreux de l’opération, et que la récompense en est le but, la fin et le fruit ; et puisque, d’un autre côté, il n’y a pas une proportion invariable entre ces deux choses, il est bien clair que, pour savoir si une nation est riche, ce n’est pas l’effort qu’il faut regarder, mais le résultat. Le plus ou moins d’efforts ne nous apprend rien. Le plus ou moins de besoins et de désirs satisfaits nous dit tout[1] : C’est ce que les économistes entendent par ces mots, qu’on a si étrangement commentés : « L’intérêt du consommateur ou plutôt de la consommation est l’intérêt général. » Le progrès des satisfactions d’un peuple, c’est évidemment le progrès de ce peuple lui-même. Il n’en est pas nécessairement ainsi du progrès de ses efforts.

Ceci n’est pas une observation oiseuse ; car il est des temps et des pays où l’on a pris, pour pierre de touche du progrès, l’accroissement de l’effort en durée et en intensité. Et qu’est-il arrivé ? La législation s’est appliquée à diminuer

  1. V. le chapitre vi du tome VI. (Note de l’éditeur.)