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l’œuvre des bras, — un drame, un livre, une leçon, un tableau, une statue, un sermon, comme du blé, des meubles, des vêtements ; — par les yeux, par les oreilles, par l’intelligence, par le cœur, comme par la bouche et par l’estomac. En ce cas, le mot consommer est bien étroit, bien vulgaire, bien impropre, bien bizarre, — j’en conviens. Mais je n’en sais pas d’autre ; et tout ce que je puis faire, c’est de répéter que j’entends par là — jouir de la récompense d’un travail[1].

Il n’est aucune échelle métrique, barométrique ou dynamométrique qui puisse donner la mesure normale de la peine et de la récompense ; et il n’y en aura jamais jusqu’à ce qu’on ait trouvé le moyen de toiser une répugnance et de pondérer un désir.

Chacun y est pour soi. La récompense et la charge de l’effort me regardant, c’est à moi de les comparer et de voir si l’une vaut l’autre. À cet égard, la contrainte serait d’autant plus absurde qu’il n’y a pas deux hommes sur la terre qui fassent, dans tous les cas, la même appréciation.


Le troc ne change pas la nature des choses. Règle générale : c’est à celui qui veut la récompense à prendre la peine. S’il veut la récompense de la peine d’autrui, il doit céder en retour la récompense de sa propre peine. Alors il compare la vivacité d’un désir avec la peine qu’il se donnerait pour le satisfaire et dit : Qui veut prendre cette peine pour moi ? j’en prendrai une autre pour lui.

Et comme chacun est seul juge du désir qu’il éprouve, de l’effort qu’on lui demande, le caractère essentiel de ces transactions c’est la liberté.

Quand la liberté en est bannie, soyez sûr que l’une des parties contractantes est soumise à une peine trop grande ou reçoit une récompense trop petite.

  1. V. tome VI, chap. ii. (Note de l’éditeur.)