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— Oh ! morguienne, je ne l’aime pas non plus, et il faut bien que je la subisse.

— C’est ce qui nous fait dire que les échanges ne sont pas libres.

— Je pensais que cela regardait les marchands.

— Cela vous regarde, vous, puisqu’en définitive c’est vous qui donnez quatre paires de souliers au lieu de trois pour avoir une redingote.

— C’est fâcheux ; mais cela vaut-il la peine de faire tant de bruit ?

— La même opération se répète pour presque tout ce que vous achetez ; pour le blé, pour la viande, pour le cuir, pour le fer, pour le sucre, en sorte que vous n’avez pour quatre paires de souliers que ce que vous pourriez avoir pour deux.

— Il y a du louche là-dessous. Tout de même, je remarque, d’après ce que vous dites, que les seuls concurrents dont on se débarrasse sont des étrangers.

— C’est vrai.

— Eh bien ! il n’y a que moitié mal ; car, voyez-vous, je suis patriote comme tous les diables.

— À votre aise. Mais remarquez bien ceci : ce n’est pas l’étranger qui perd deux paires de souliers ; c’est vous, et vous êtes Français !

— Je m’en vante !

— Et puis, ne disiez-vous pas que la concurrence doit être pour tous ou pour personne ?

— Ce serait de toute justice.

— Cependant M. Sakoski est étranger, et nul ne l’empêche d’être votre concurrent.

— Et un rude concurrent encore. Comme ça vous trousse une botte !

— Difficile à parer, n’est-ce pas ? Mais puisque la loi laisse nos fashionables choisir entre vos bottes et celles