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de vouloir faire toutes ces choses. Gardez donc votre état, et tâchez d’en tirer le meilleur parti possible.

— J’y fais de mon mieux. Le malheur est que j’ai des concurrents qui me rabattent le caquet. Ah ! si j’étais le seul cordonnier de Paris seulement pendant dix ans, je n’envierais pas le sort du roi, et je ferais joliment la loi à la pratique.

— Mais, mon ami, les autres en disent autant ; et s’il n’y avait qu’un laboureur, un forgeron et un tailleur dans le monde, ils vous feraient joliment la loi aussi. Puisque vous subissez la concurrence, quel est votre intérêt ?

— Eh parbleu ! que ceux à qui j’achète mon pain et mes habits la subissent comme moi.

— Car si le tailleur de la rue Saint-Denis est trop exigeant…

— Je m’adresse à celui de la rue Saint-Martin.

— Et si celui de la rue Saint-Denis obtenait une loi qui vous forçât d’aller à lui ?

— Je le traiterais de…

— Doucement ; ne m’avez-vous pas dit que vous avez un paroissien ?

— Le paroissien ne dit pas que je ne doive pas profiter de la concurrence, puisque je la subis.

— Non ; mais il dit qu’il ne faut maltraiter personne et qu’il faut toujours se croire le plus pécheur de tous les pécheurs.

— Je l’ai lu bien souvent. Et, tout de même, j’ai peine à me croire plus malhonnête homme qu’un fripon.

— Croyez toujours, la foi nous sauve. Bref, il vous paraît que la concurrence doit être la loi de tous ou de personne ?

— Justement.

— Et vous avez reconnu qu’il est impossible d’y soustraire tout le monde ?