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de fendre mon bois avec une hache émoussée, je te démontrai qu’outre ma perte, il en retomberait sur le pauvre Jacques une seconde, égale à la mienne, et chacune d’elles égale à ton profit, ce qui, en définitive, constituait, pour la nation en masse, une perte sèche de 2 francs ? — Pour qu’il y eût parité dans les deux cas, il te faudrait prouver que mon gain et ta perte se balançant, il y aura encore un préjudice causé à un tiers.

— Je ne vois pas que cette preuve soit très nécessaire ; car, selon vous-même, que j’achète à vous, que j’achète à l’Anglais, la nation ne doit rien perdre ni gagner. Et alors, je ne vois pas pourquoi je disposerais à votre avantage, et non au mien, du fruit de mes sueurs. Au surplus, je crois pouvoir prouver que si je vous donne 10 francs de vos 20 kilogrammes de fer, je perdrai 5 francs, et une autre personne perdra 5 francs ; vous n’en gagnerez que 5, d’où résultera pour la nation entière une perte sèche de 5 francs.

— Je suis curieux de t’entendre bûcher cette démonstration.

— Et si je la refends proprement, conviendrez-vous que votre prétention est injuste ?

— Je ne te promets pas d’en convenir ; car, vois-tu, en fait de ces choses-là, je suis un peu comme le Joueur de la comédie, et je dis à l’économie politique :


Tu peux bien me convaincre, ô science ennemie,
Mais me faire avouer, morbleu, je t’en défie !


Cependant voyons ton argument.

— Il faut d’abord que vous sachiez une chose. L’Anglais n’a pas l’intention d’emporter dans son pays ma pièce de 100 sous. Si nous faisons marché, (— le maître de forges, à part : j’y mettrai bon ordre, —) il m’a chargé d’acheter