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— Mon ami, à ce prix je ne t’en puis donner que 10 kilogrammes.

— C’est fâcheux pour vous, car je sais un Anglais qui me donnera pour mes 5 francs les 20 kilogrammes dont j’ai besoin.

— C’est un coquin.

— Soit.

— Un égoïste, un perfide, un homme que l’intérêt fait agir.

— Soit.

— Un individualiste, un bourgeois, un marchand qui ne sait ce que c’est qu’abnégation, dévouement, fraternité, philanthropie.

— Soit ; mais il me donne pour 5 francs 20 kilogrammes de fer, et vous, si fraternel, si dévoué, si philanthrope, vous ne m’en donnez que 10.

— C’est que ses machines sont plus perfectionnées que les miennes.

— Oh ! Oh ! Monsieur le philanthrope, vous travaillez donc avec une hache obtuse, et vous voulez que ce soit moi qui supporte la perte.

— Mon ami, tu le dois, pour que mon industrie soit favorisée. Dans ce monde, il ne faut pas toujours songer à soi et à son intérêt.

— Mais il me semble que c’est toujours votre tour d’y songer. Ces jours-ci vous n’avez pas voulu me payer pour me servir d’une mauvaise hache, et aujourd’hui vous voulez que je vous paye pour vous servir de mauvaises machines.

— Mon ami, c’est bien différent ; mon industrie est nationale et d’une haute importance.

— Relativement aux 5 francs dont il s’agit, il n’est pas important que vous les gagniez si je dois les perdre.

— Et ne te souvient-il plus que lorsque tu me proposais