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un agriculteur consommé. Il est d’autant moins nécessaire de connaître à fond les procédés de tous les arts et de tous les métiers, que ces procédés n’y font absolument rien. Dira-t-on par exemple qu’il faut bien savoir le prix de revient du drap, pour juger s’il est possible de lutter avec l’étranger à armes égales ? — Oui certes, cela est nécessaire, dans l’esprit du régime protecteur, puisque ce régime a pour but de rechercher si une industrie est en perte afin de faire supporter cette perte par le public ; mais cela n’est pas nécessaire dans l’esprit du libre-échange, car le libre-échange repose sur ce dilemme : Ou votre industrie gagne, et alors la protection vous est inutile ; ou elle perd, et alors la protection est nuisible à la masse.

En quoi donc une enquête spéciale est-elle indispensable, puisque, quel qu’en soit le résultat, la conclusion est toujours la même ?

Supposons qu’il s’agisse de l’esclavage. On accordera sans doute que la question de droit passe avant la question d’exécution. — Que pour arriver à connaître le meilleur mode d’affranchissement, on fasse une enquête, nous le concevons ; mais cela suppose la question de droit résolue. Mais s’il s’agissait de débattre la question de droit devant le public, si la majorité était encore favorable au principe même de l’esclavage, serait-on bien venu de fermer la bouche à un abolitionniste en lui disant : « Vous n’êtes pas compétent ; vous n’êtes pas planteur, vous n’avez pas d’esclaves. »

Pourquoi donc oppose-t-on, à ceux qui combattent les monopoles, cette fin de non-recevoir qu’ils n’ont pas de monopoles ?

Les armateurs du Havre ne s’aperçoivent-ils pas que cette même fin de non-recevoir, on la tournera contre eux ?

S’ils ont, avec raison, la prétention de connaître à fond la question maritime, ils n’ont pas sans doute celle de posséder des connaissances universelles. Or, d’après leur sys-