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fois commence par déclarer très-solennellement qu’il n’a nullement la prétention de connaître les procédés nautiques mieux que les armateurs, les procédés métallurgiques mieux que les maîtres de forges, les procédés agricoles mieux que les agriculteurs, les procédés de tissage mieux que les fabricants, et les procédés de nos dix mille industries mieux que ceux qui les exercent.

Mais, franchement, cela est-il nécessaire pour reconnaître qu’aucune de ces industries ne doit être mise législativement en mesure de rançonner les autres ? Faut-il avoir vieilli dans une fabrique de drap et obtenu de lucratives fournitures pour juger une question de bon sens et de justice, et pour décider que le débat doit être libre entre celui qui vend et celui qui achète ?

Assurément nous sommes loin de méconnaître l’importance du rôle qui est réservé aux hommes pratiques dans la lutte entre le droit commun et le privilége.

C’est par eux surtout que l’opinion publique sera délivrée de ses terreurs imaginaires. Quand un homme comme M. Bacot, de Sédan, vient dire : « Je suis fabricant de drap ; et qu’on me donne les avantages de la liberté, je n’en redoute pas les risques ; » quand M. Bosson, de Boulogne, dit : « Je suis filateur de lin ; et si le régime restrictif, en renchérissant mes produits, ne fermait pas mes débouchés au dehors et n’appauvrissait pas ma clientèle au dedans, ma filature prospérerait davantage ; » quand M. Dufrayer, agriculteur, dit : « Sous prétexte de me protéger, le système restrictif m’a placé au milieu d’une population qui ne consomme ni blé, ni laine, ni viande, en sorte que je ne puis faire que cette agriculture qui convient aux pays pauvres ; » — nous savons tout l’effet que ces paroles doivent exercer sur le public.

Lorsque ensuite la question viendra devant la législature, le rôle des hommes pratiques acquerra une importance