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appris la logique, il se garda bien cette fois de conclure à ce que son rude adversaire fût simplement débouté.

Quand donc l’avoué de Pierre eut lu l’exploit introductif d’instance finissant par ces mots : « Plaise au tribunal admettre Pierre à faire pleuvoir une grêle de coups sur les épaules de Jean. »

L’avoué de Jean répliqua par cette demande reconventionnelle : « Plaise au tribunal permettre à Jean de prendre sa revanche sur le dos de Pierre. »

La précaution ne fut pas inutile. Pour le coup, la justice se trouvait bien placée entre deux exagérations. Elle décida que Jean ne serait plus battu par Pierre, ni Pierre par Jean. Au fond, Jean n’aspirait pas à autre chose.

Imitons cet exemple ; prenons nos précautions contre la logique de M. Cunin-Gridaine.

De quoi s’agit-il ? Les Pierre de la rue Hauteville[1] plaident pour être admis à rançonner le public. Les Jean de la rue Choiseul plaident naïvement pour que le public ne soit pas rançonné. Sur quoi M. le ministre prononce gravement que la vérité et la modération sont au point intermédiaire entre ces deux prétentions.

Puisque le jugement doit se fonder sur la supposition que l’association du libre-échange est exagérée ! ce qu’elle a de mieux à faire, c’est de l’être en effet, et de se placer à la même distance de la vérité que l’association prohibitionniste, afin que le juste milieu coïncide quelque peu avec la justice.

Donc, l’une demande un impôt sur le consommateur au profit du producteur ; que l’autre, au lieu de perdre son temps à opposer une fin de non-recevoir, exige formellement un impôt sur le producteur au profit du consommateur.

  1. Les bureaux du Libre-Échange étaient rue de Choiseul, et ceux du Moniteur Industriel, rue Hauteville. (Note de l’éditeur.)