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l’ignorent complétement, et à ce point qu’elles se montrent mal disposées envers les amis de la liberté.

Cependant il est dans la nature des choses que la cause d’un mal, quand une fois elle est signalée, finisse par être généralement reconnue. Quel terrible argument ne fournirait pas aux récriminations des masses l’injustice du régime protecteur ! Que la classe électorale y prenne garde ! Le peuple n’ira pas toujours chercher la cause de ses souffrances dans l’absence d’un phalanstère, d’une organisation du travail, d’une combinaison chimérique. Un jour il verra l’injustice là où elle est. Un jour il découvrira que l’on fait beaucoup pour les produits, qu’on ne fait rien pour les salaires, et que ce qu’on fait pour les produits est sans influence sur les salaires. Alors il se demandera : Depuis quand les choses sont-elles ainsi ? Quand nos pères pouvaient approcher de l’urne électorale, était-il défendu au peuple, comme aujourd’hui, d’échanger son salaire contre du fer, des outils, du combustible, des vêtements et du pain ? Il trouvera la réponse écrite dans les tarifs de 1791 et de 1795. Et qu’aurez-vous à lui répondre, industriels législateurs, s’il ajoute : « Nous voyons bien qu’une nouvelle aristocratie s’est substituée à l’ancienne ? » (V. n° 18, page 100.)

Si donc la bourgeoisie veut éviter la guerre sociale, dont les journaux populaires font entendre les grondements lointains, qu’elle ne sépare pas ses intérêts de ceux des masses, qu’elle étudie et comprenne la solidarité qui les lie ; si elle veut que le consentement universel sanctionne son influence, qu’elle la mette au service de la communauté tout entière ; si elle veut qu’on ne s’inquiète pas trop du pouvoir qu’elle a de faire la loi, qu’elle la fasse juste et impartiale ; qu’elle accorde à tous ou à personne la protection douanière. Il est certain que la propriété des bras et des facultés est aussi sacrée que la propriété des produits. Puisque la loi élève le prix des produits, qu’elle élève donc aussi le