Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/357

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est, disent-ils, parce que vous attaquez toutes les protections à la fois. Pourquoi ne pas user d’artifice ? pourquoi vous mettre sur les bras en même temps l’agriculture, les manufactures, la marine marchande et les classes ouvrières, sans compter les partis politiques toujours prêts à courtiser le nombre et la force ?

C’est en cela, ce nous semble, que nous faisons preuve de modération et de sincérité.

Combien de fois n’a-t-on pas essayé, et sans doute à bonne intention, de nous faire abandonner le terrain des principes ! On nous conseillait d’attaquer l’abus de la protection accordée à quelques fabriques.

« Vous aurez le concours de l’agriculture, nous disait-on ; avec ce puissant auxiliaire, vous battrez les monopoles industriels les plus onéreux, et vous briserez d’abord un des plus solides anneaux de cette chaîne qui vous fatigue. Ensuite, vous vous retournerez contre l’intérêt agricole, sûr d’avoir cette fois l’appui de l’industrie manufacturière[1]. »

Ceux qui nous donnent ces conseils oublient une chose, c’est que nous n’aspirons pas tant à renverser le régime protecteur qu’à éclairer le public sur ce régime, ou plutôt, si la première de ces tâches est le but, la seconde nous semble le moyen indispensable.

Or, quelle force auraient eue nos arguments, si nous avions soigneusement mis hors de cause le principe même de la protection ? et, en le mettant en cause, comment pouvions-nous éviter d’éveiller les susceptibilités de l’agriculture ? Croit-on que les manufacturiers nous eussent laissé le choix de nos démonstrations ? qu’ils ne nous eussent pas amenés à nous prononcer sur la question de principe, à dire explicitement ou implicitement que la protection est chose mauvaise par nature ? Une fois le mot lâché, l’agriculture se

  1. V. le no 5. (Note de l’éditeur.)