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pesé dans ses déterminations, la paix des nations n’a pu être qu’une inconséquence de sa politique.

Mais enfin, l’Angleterre a réussi ; elle a des conquêtes, des colonies ; elle est parvenue à ses fins, et peut approvisionner sans concurrence la moitié du globe.

Et que fait-elle ?

Elle dit à ses colonies : Je ne veux plus vous donner des priviléges sur mon marché, mais, en esprit de justice, je ne puis en exiger pour moi sur les vôtres ; et, en conséquence, vous réglerez vous-mêmes vos tarifs.

N’est-ce pas, Messieurs, l’affranchissement réel des colonies, du moins au point de vue commercial et social, sinon au point de vue administratif ? N’est-ce pas revenir au point de départ et proclamer qu’on a fait fausse route[1] ?

Qu’on ne nous fasse point dire que nous voyons là de la générosité, de l’abnégation, de l’héroïsme ; non, nous n’y voyons que de l’intérêt, mais de l’intérêt bien entendu, de l’intérêt qui est d’accord avec l’intérêt de l’humanité.

Le principe restrictif est mauvais à nos yeux ; s’il est mauvais, il entraîne des conséquences funestes, il n’est même mauvais que par là ; s’il entraîne des conséquences funestes, les Anglais, qui ont poussé plus loin ce régime que tout autre peuple, ont dû les premiers apercevoir ces conséquences et en souffrir ; ils changent de route, quoi de surprenant ? Mais je dis que ce changement est une révolution immense dans les affaires du monde, une des plus grandes révolutions dont le globe ait été témoin. Je dis qu’elle est d’autant plus solide que les Anglais l’ont faite, non par abnégation, mais par intérêt ; je dis qu’elle ouvre devant les peuples un avenir de paix et de concorde, puisqu’elle leur enseigne que lorsqu’on arrive à une domination injuste, ce qu’on a de mieux à faire, c’est d’y renoncer. Je

  1. V. l’appendice du tome III, et notamment les pages 459 et suiv. (Note de l’éditeur.)