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nie et non discordance entre ces deux mobiles, si tous deux tendent à la même fin, c’est un avenir certain ouvert au règne de la fraternité parmi les hommes. Y a-t-il pour l’esprit une satisfaction plus vive, pour le cœur une jouissance plus douce, que de voir deux principes qui semblaient antagonistes, deux lois providentielles qui paraissaient agir en sens opposés sur nos destinées, se réconcilier dans un effet commun et proclamer ainsi que cette parole qui, il y a dix-huit siècles, annonça la fraternité au monde, n’était pas aussi contraire à la pente du cœur humain que le disait naguère une superficielle philosophie ?

Messieurs, après avoir essayé de vous donner une idée de la doctrine du libre-échange, je vous dois une peinture du régime restrictif.

Les personnes qui fréquentent le jardin des Plantes à Paris, ont été à même d’observer un phénomène assez singulier. Vous savez qu’il y a un grand nombre de singes renfermés chacun dans sa cage. Quand le gardien met les aliments dans l’écuelle que chaque cage renferme, on croit d’abord que les singes vont dévorer chacun ce qui lui est attribué. Mais les choses ne se passent pas ainsi. On les voit tous passer les bras entre les barreaux et chercher à se dérober réciproquement la pitance ; ce sont des cris, des grimaces, des contorsions, au milieu desquels bon nombre d’écuelles sont renversées et beaucoup d’aliments gâtés, salis et perdus. Cette perte retombe aujourd’hui sur les uns, demain sur les autres et, à la longue, elle doit se répartir à peu près également sur tous, à moins que quelques singes des plus vigoureux n’y échappent ; mais alors vous comprenez que ce qui n’est pas perdu pour eux retombe en aggravation de perte sur les autres.

Voilà l’image fidèle du régime restrictif.

Pour montrer cette similitude, j’aurais à prouver deux choses : d’abord que le régime restrictif est un système de