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répondre. Et remarquez qu’en bonne justice, ce n’est pas avec des présomptions, des probabilités qu’on peut repousser une telle requête. Il faut une certitude absolue[1].

Beaucoup de personnes se sont laissé séduire par ce fait que les salaires sont plus élevés, par exemple, à Paris qu’en Bretagne, et elles en ont conclu qu’ils tendent à se mettre au niveau du prix de la vie. Mais la question n’est pas de savoir si les divers salaires, qui prennent leur source dans un capital donné, ne peuvent pas varier à l’infini selon une multitude de circonstances. Nous ne mettons pas cela en doute. Ce que nous nions, c’est que l’ensemble ou la grande moyenne des salaires s’élève dans un pays, en vertu d’une loi qui déplace le capital sans l’accroître.

Et, Messieurs, cette objection qu’on nous faisait il y a deux ans, quand nous avons commencé notre œuvre, les événements, avec une voix plus forte que la nôtre, se sont chargés d’y répondre ; car la disette est survenue et la cherté avec elle. Or, qu’a-t-on vu ? On a vu le salaire baisser plutôt que hausser. Ainsi, le fait nous a donné raison. Et, d’ailleurs, le fait s’explique de la manière la plus claire.

Quand le prix de la subsistance renchérit, l’universalité des hommes dépense davantage pour en avoir la quantité nécessaire. Il reste donc moins à dépenser à autre chose. On se prive, et par là on produit la stagnation de l’industrie, qui amène forcément la baisse des salaires. En sorte que, dans les temps de cherté, l’ouvrier est froissé par les deux bouts à la fois, par la diminution de ses profits et par l’élévation du prix de la vie.

La cherté artificielle a exactement les mêmes effets que la cherté naturelle ; seulement, comme elle dure plus, il se fait, j’en conviens, certains arrangements sociaux sur cette

  1. V. au tome VI, le chap. des Salaires. (Note de l’éditeur.)