Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/289

Cette page a été validée par deux contributeurs.

De plus, l’instrument lui-même coûte quelque chose. Les incertitudes que les tarifs sujets à changement font planer sur l’industrie et le commerce, les collisions qu’ils peuvent amener entre les peuples, et contre lesquelles il faut se précautionner, le développement qu’il faut donner à l’action de la justice pour réprimer des actions innocentes en elles-mêmes, que cette législation fait inscrire au nombre des délits et des crimes, les obstacles, les visites, les retards, les erreurs, les contestations, — ce sont autant d’inconvénients inséparables du système, et qui se traduisent en déperdition de forces. Tout le monde sait que le seul retard, apporté cette année à la suspension de l’échelle mobile, a peut-être coûté à la France cinquante millions.

Or, si, au total, dans la généralité de ses effets directs ou indirects, le système restrictif entraîne une déperdition de richesses, il faut nécessairement que cette perte retombe sur quelqu’un.

Lors donc que les législateurs protectionnistes affirment que la classe ouvrière, non-seulement n’entre pas en participation de la perte définitive, mais encore bénéficie par ce régime, c’est comme s’ils disaient :

« Nous, qui faisons la loi, voulant procurer à la classe ouvrière un profit extra-naturel, nous nous infligeons encore une seconde perte égale à tout le bénéfice que nous prétendons conférer aux ouvriers. »

Je le demande : Y a-t-il aucune vraisemblance que les législateurs aient agi ainsi[1] ?

Qu’on me permette de formuler ma pensée dans la langue des chiffres, non pour arriver à des précisions exactes, mais par voie d’élucidation.

Représentons par 100 le revenu national sous l’empire des relations libres. Nous n’avons aucune donnée pour sa-

  1. V. le chap. VI de la seconde série des Sophismes, t. IV, p. 173. (Note de l’éditeur.)