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Voilà tout ce que je veux examiner. Je ne cherche pas ce que deviendrait le sort de cette classe dans un phalanstère ou en Icarie. Je prends la société telle qu’elle est, telle que le passé nous l’a léguée. Dans cette société je vois le capital rémunérant le travail. C’est un premier fait. Je vois en outre des légions d’hommes occupés à entraver la circulation des produits ; c’est un second fait. Je cherche comment le second de ces faits agit sur le premier.

Et d’abord une première question se présente à moi. Qui a placé là cette légion armée ? Ce ne sont pas les ouvriers, puisqu’ils n’ont pas la voix au chapitre ; ce sont les maîtres. Donc, en vertu de la maxime : Id fecit cui prodest, la présomption est que cette institution, si elle profite à quelqu’un, profite aux maîtres.

Messieurs, permettez-moi de raisonner provisoirement sur cette hypothèse que le régime restrictif, dans l’ensemble de ses effets, bons et mauvais, entraîne une certaine déperdition de forces utiles ou de richesses. Cette hypothèse n’est pas tellement absurde qu’on ne puisse s’en servir un instant. Je n’ai jamais rencontré personne qui ne m’ait fait cette concession sous cette forme : Vous avez raison en principe. Le fondateur du système restrictif en France l’a lui-même considéré comme transitoire, ce qu’il n’aurait pas fait s’il avait reconnu dans son essence une vertu productive. Il paraît certain qu’empêcher les produits du Midi de pénétrer dans le Nord, et réciproquement, favoriser par là dans le Nord des industries que seconderait mieux le climat du Midi, c’est paralyser partout une certaine portion de ces forces gratuites que la nature avait mises à la disposition des hommes. Je puis donc sans témérité raisonner un instant sur cette hypothèse, admise d’ailleurs par les protectionnistes eux-mêmes, que le régime prohibitif, dans l’ensemble de ses effets, tout compensé, entraîne la déperdition d’une certaine quantité de richesses.