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les traditions, les habitudes, les erreurs dominantes, les vérités acquises, les expériences faites, les préjugés, les passions, les vertus, les vices, voilà les forces diverses qui déterminent nos institutions et nos lois. Comment croire que la société s’en dépouillera tout à coup, comme on rejette un vêtement pour en prendre un à la mode ? — Je n’en rends pas moins justice aux bonnes intentions des publicistes qui poursuivent cette chimère, et je crois qu’ils ont rendu un service à la science en la forçant de scruter ces grandes questions et d’élargir le champ de ses études[1].

Mais s’il est vrai que le progrès soit subordonné à la diffusion de la lumière et de l’expérience, je ne vois pas qu’on puisse blâmer, comme on le fait, un homme ou une association d’hommes qui s’attaquent à   une erreur déterminée, laquelle a donné naissance à une institution funeste.

On nous dit sans cesse que le libre-échange ne donne pas la clef du grand problème de l’humanité. Il n’a pas cette prétention. Il ne s’annonce pas comme devant panser toutes les plaies, guérir tous les maux, dissiper tous les préjugés, fonder à lui seul le règne de l’égalité et de la justice parmi les hommes, et ne laisser, après lui, rien à faire à l’humanité.

Nous croyons qu’il est en lui-même un très-grand progrès, et de plus, par l’esprit qu’il propage, par les lumières qu’il suppose, une excellente préparation à d’autres progrès encore. Mais nous nous rendrions coupables d’exagération si nous le présentions, ainsi qu’on nous en accuse souvent, comme une panacée universelle, particulièrement à l’égard des classes laborieuses.

Je me renfermerai donc dans cette question :

Quelle est l’influence du régime restrictif sur le taux des salaires, ou plutôt sur la condition des ouvriers ?

  1. V. le chap 1er du tome VI. (Note de l’éditeur.)