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dustrie ; en un mot, quand l’opinion publique sanctionnera le libre-échange, je dis que la dernière heure des agressions violentes aura sonné, et que, dès ce moment, nous pourrons diminuer dans une forte proportion nos forces de terre et de mer.

Car le meilleur des boulevards, la plus efficace des fortifications, la moins dispendieuse des armées, c’est le libre-échange, qui fait plus que de repousser la guerre, qui la prévient ; qui fait mieux que de vaincre un ennemi, qui en fait un ami.

Et, à cet égard, ma foi dans le libre-échange est telle que je veux la mettre ici à l’épreuve d’une prédiction, quoique je sache combien il est dangereux de faire le prophète, même hors de son pays. Si ma prédiction ne se vérifie pas, je consens, il le faudra bien, à ce que mes paroles perdent le peu d’autorité qui peut s’y attacher. Mais aussi, si elle s’accomplit, j’aurai peut-être droit à quelque confiance. L’Angleterre a adopté le libre-échange. Je prédis solennellement que d’ici à sept ans, c’est-à-dire pendant le cours de la législation actuelle, elle aura licencié la moitié de ses forces de mer. — On me dira sans doute : Cela est si peu probable que, le jour même où sir Robert Peel a introduit la réforme, et, dans le même exposé des motifs, il a demandé une allocation pour augmenter la marine. — Je le sais, et j’ose dire que c’est la plus grande faute, sous tous les rapports, et la plus grande inconséquence qu’ait faite cet homme d’État, d’ailleurs alors nouveau converti au libre-échange. — Mais cette circonstance, en rendant ma prédiction plus hasardée, ne fait que lui donner plus de poids si elle se réalise[1].

Nos forces de terre et de mer ramenées ainsi successivement à des proportions moins colossales, je n’ai pas be-

  1. Voir la note finale du tome III, p. 518. (Note de l’éditeur.)