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l’objet, à ce qu’elles croient, d’assurer leur indépendance et d’augmenter leur bien-être.

Je ne voudrais pas d’autres preuves de la fausseté de ce système que le langage qu’il a introduit dans l’économie politique, langage toujours emprunté au vocabulaire des batailles. Ce ne sont que tributs, invasions, luttes, armes égales, vainqueurs et vaincus, comme si les effets des échanges pouvaient être les mêmes que ceux de la violence. L’impropriété du langage ne révèle pas seulement la fausseté de l’idée, elle la propage ; car, après s’être servi de ces locutions dans le sens figuré, on les emploie dans leur acception rigoureuse, et l’on a entendu un de nos honorables protectionnistes s’écrier : « J’aimerais mieux une invasion de Cosaques qu’une invasion de bestiaux étrangers. » Je me propose d’exposer aujourd’hui les conséquences comparées du régime protecteur et du libre-échange ; mais, avant, permettez-moi d’analyser une des expressions que je viens de citer, celle de lutte industrielle. Cette expression, comme toutes celles qui trouvent un accès facile dans l’usage, a certainement un côté vrai. Elle n’est pas fausse, elle est incomplète. Elle se réfère à quelques effets, et non à l’ensemble des effets. Elle induit à penser que lorsque, dans un pays, une industrie succombe devant la rivalité de l’industrie similaire du dehors, la nation en masse en est affectée de la même manière que cette industrie. Et c’est là une grande erreur, car la lutte industrielle diffère de la lutte militaire en ceci : Dans la lutte armée, le vaincu est soumis à un tribut, dépouillé de sa propriété, réduit en esclavage ; dans la lutte industrielle, la nation vaincue entre immédiatement en partage du fruit de la victoire. Ceci paraît étrange et semble un paradoxe ; c’est pourtant ce qui constitue la différence entre ce genre de relations humaines qu’on nomme échanges, et cet autre genre de relations qu’on appelle guerres. Et, certes, on