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mêmes qui veulent la réforme commerciale, provient d’une confusion. Permettez-moi de l’éclaircir.

On suppose que vouloir la liberté des échanges, en principe, c’est vouloir que les échanges ne puissent subir de restrictions en aucun cas et sous aucun prétexte.

D’abord, mettons de côté les échanges immoraux, frauduleux, déshonnêtes. C’est la mission principale de la loi, c’est le droit et le devoir du Gouvernement de réprimer l’abus de toutes les facultés, de celle d’échanger comme de toutes les autres.

Quant aux échanges qui ne blessent pas l’honnêteté, ils peuvent être restreints, nous en convenons, dans un but spécial. Le principe n’est engagé que lorsque la restriction est décrétée à cause de l’avantage qu’on prétend trouver dans la restriction elle-même.

Si, par exemple, l’État a besoin de revenus, et qu’il ne puisse s’en procurer suffisamment, et par d’autres procédés moins onéreux, qu’en taxant certains échanges, il est impossible de dire que la taxe blesse le principe de la liberté, pas plus que l’impôt foncier n’infirme le principe de la propriété. Mais alors tout le monde reconnaît que la restriction est un inconvénient attaché à la perception de la taxe. De là à restreindre pour restreindre, il y a l’infini.

Le port des lettres est taxé en moyenne à 45 centimes, et rend au Trésor, si je ne me trompe, 20 millions. Mais jamais le ministre des finances n’a dit qu’il a porté la taxe à ce taux pour empêcher d’écrire, parce que les relations épistolaires sont mauvaises en elles-mêmes. S’il pouvait compter sur un revenu égal d’une taxe moindre, il n’hésiterait pas à la réduire. Mais que penseriez-vous, s’il venait dire à la tribune : « Il est funeste en principe qu’on s’écrive, et pour l’empêcher, sacrifiant même les 20 millions que je retire de cette taxe, je vais la porter à 10 fr., 30 fr., 100 fr., enfin, jusqu’à ce qu’on n’écrive plus. Et quant au revenu actuel, qui sera