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déception, et qu’il trompe même ceux qu’il prétend favoriser. Il aspire à leur conférer le triste privilége de la rareté, dont le propre, il est vrai, est d’élever le prix d’un objet, quand elle est relative ; mais opérant de même sur tout, ce n’est pas la rareté relative, mais bien la rareté absolue qu’il procure, manquant même son but immédiat[1].

Une autre conséquence plus importante encore qui vous aura frappés, c’est celle-ci : pour chaque individu, pour chaque industrie, pour chaque nation, le moyen le plus sûr de s’enrichir, c’est d’enrichir les autres, puisque la richesse générale est ce milieu qui donne de l’emploi, des débouchés et des rémunérations aux services de chacun ; et nous sommes ainsi conduits à reconnaître que la fraternité humaine n’est pas un vain sujet de déclamation, mais un phénomène susceptible de démonstration rigoureuse[2].

Enfin, il s’ensuit encore que le régime protecteur est essentiellement injuste. — Il est injuste même à l’égard des industries privilégiés, car il ne lui est pas possible d’accorder à toutes, — il n’en a pas la prétention, — la faveur d’une rareté exactement proportionnelle.

Mais que dirai-je, Messieurs, des nombreux services humains qui payent tribut au monopole et ne reçoivent, ne sont pas même susceptibles de recevoir aucune compensation par l’action des tarifs ?

Ces services sont si nombreux qu’ils occupent le fond même de la population. Je crois qu’on ne l’a point assez remarqué, et je vous prie de me permettre d’en faire passer sous vos yeux la nomenclature.

Pour qu’un service puisse recevoir la protection douanière il faut que le travail auquel il donne lieu s’incorpore dans un objet matériel susceptible de passer la frontière ;

  1. V. au tome V, les pages 398 et suiv. (Note de l’éditeur.)
  2. V. au tome VI le chap. iv. (Note de l’éditeur.)