Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tre œuvre la même ardeur, la même persévérance et la même abnégation ; que nous sachions comme elle nous préserver de tout contact avec les partis politiques ; grandir, acquérir de l’influence, sans être tentés de la détourner à d’autres desseins, sans la mettre au service d’aucun nom propre ! Et si jamais notre apostolat s’incarne dans un homme, puisse-t-il, à l’heure du triomphe, finir comme finit Cobden ! Il y a deux mois, l’aristocratie anglaise, selon un usage invariable, voulut absorber cet homme. On lui offrit un portefeuille ; M. Peel est lui-même le fils d’un manufacturier, et Cobden pouvait voir, en espérance, son fils premier lord de la trésorerie. Il répondit simplement : « Je me crois plus utile à la cause en restant son défenseur officieux. » — Mais ce n’est pas tout. Aujourd’hui que la Ligue l’a placé sur un piédestal qui l’élève plus haut que l’aristocratie elle-même, aujourd’hui qu’elle a remis en ses mains des forces populaires capables de tenir en échec les whigs et les tories, aujourd’hui que de toute part ses amis le pressent de faire tourner cette immense puissance à l’achèvement de quelque autre grande entreprise, aucune passion, aucune séduction ne peut l’émouvoir ; il s’apprête à briser de ses mains l’instrument de son élévation, et il dit à l’aristocratie :

« Vous redoutez notre agitation, vous craignez qu’elle ne se porte sur un autre terrain. La Ligue s’est fondée pour l’abolition des monopoles : abolissez-les ce matin, et, dès ce soir, la Ligue sera dissoute. » Non, jamais, depuis dix-huit siècles, le monde n’a vu s’accomplir de plus grandes choses avec une si adorable simplicité.

Mais si la Ligue nous offre de beaux modèles, ce n’est point à dire que nous ayons à copier servilement sa stratégie. À qui fera-t-on croire que ces hommes graves dont je suis entouré, que des négociants rompus aux affaires et versés dans la connaissance des mœurs et des institutions des