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4. — SUR LES GÉNÉRALITÉS.


13 Décembre 1846.


Le grand reproche qui nous arrive de divers quartiers, amis et ennemis, c’est de rester dans les généralités. « Abordez donc la pratique, nous dit-on, entrez dans les détails, descendez des nuages et laissez-y en paix les principes. Qui les conteste ? qui nie que l’échange ne soit une bonne, une excellente chose, in abstracto ? »

Il faut pourtant bien que nous ne nous soyons pas tout à fait fourvoyés et que nos coups n’aient pas toujours porté à faux. Car, s’il en était ainsi, comment expliquerait-on la fureur des protectionnistes ? Qu’on lise le placard qu’ils ont fait afficher dans les fabriques, pour l’édification des ouvriers, et la lettre qu’ils ont adressée aux ministres[1]. Croit-on que ce soit la pure abstraction qui les jette ainsi hors de toute mesure ?

Nous sommes dans les généralités ! — Mais cela est forcé, car nous défendons l’intérêt général. — N’avons-nous pas d’ailleurs à combattre une généralité ? Le système protecteur est-il autre chose ? Sur quoi s’appuie-t-il ? sur des raisonnements subtils : l’épuisement du numéraire, l’intérêt du producteur, le travail national, l’inondation, l’invasion, l’inégalité des conditions de production, etc., etc. — Charitables

  1. La lettre adressée au conseil des ministres, et signée de MM. A. Odier, A. Mimerel, J. Périer et L. Lebeuf, finissait par cette menace : « Ne faites jamais que vos ennemis soient armés par ceux qui veulent toujours contribuer avec vous à la prospérité du pays. »

    Quant au placard, en voici quelques phrases :

    « Ils (les libre-échangistes) semblent ne pas s’apercevoir que, par là, ils travaillent à ruiner leur pays et qu’ils appellent l’Anglais à régner en France…

    « Celui qui veut une semblable chose n’aime pas son pays, n’aime pas l’ouvrier. »(Note de l’éditeur.)