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Ainsi, comme nous, notre honorable correspondant voit dans la restriction un appauvrissement, un dommage, une souffrance, une perte, un sacrifice, infligés à la population. Seulement, il se demande si elle ne peut pas agir comme stimulant, afin de faire sortir la population de son inertie naturelle.

La paresse d’un peuple étant posée en fait, notre correspondant conviendra bien que si ce peuple est pauvre, c’est à sa paresse et non aux importations qu’il doit s’en prendre. Celles-ci le mettent au contraire à même de retirer plus de jouissances du peu de travail auquel il se livre.

Si un homme d’État intervient et dit : « Nous allons exclure le produit étranger ; tu le feras toi-même, et tes concitoyens te le payeront plus cher, afin de te déterminer au travail par l’appât d’un plus grand gain, » le résultat sera que tous ses concitoyens, payant le produit plus cher, seront moins riches d’autant, et favoriseront dans une moindre proportion des industries déjà existantes dans le pays. Tout ce qu’on aura fait, c’est d’encourager une forme de travail en en décourageant dix autres, et l’on ne voit pas alors comment le sacrifice atteint le but, qui est de détruire la paresse.

Mais voici qui est plus grave. On peut se demander si c’est bien la mission d’un homme d’État de diminuer les moyens de satisfaction d’un peuple, dans l’espérance de secouer son inertie. Après avoir établi sans arrière-doute, ainsi que le fait notre correspondant, que la restriction est un sacrifice général, demander si elle ne peut pas être utile comme moyen de forcer les hommes au travail, c’est demander s’il ne serait pas bon dans le même but, à supposer que cela fût praticable, de diminuer la fertilité du sol, d’enfoncer le minerai plus avant dans les entrailles de la terre, de rendre le climat plus rude, de prolonger les rigueurs de l’hiver, d’abréger la durée des jours, de donner à l’Espagne