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Vous dites : « L’Allemagne était libre d’ouvrir son marché à tous les pays de vaste production sucrière, et Dieu sait la masse énorme de produits qu’elle aurait exportés comme contre-valeur de ces sucres exotiques, que sa population aurait consommés à des prix fabuleusement bas. »

Et moi, je dis : « La France était libre d’ouvrir son marché à tous les pays de vaste production métallurgique, et Dieu sait la masse énorme de produits qu’elle aurait exportés comme contre-valeur de ces fers exotiques, que sa population aurait consommés à des prix fabuleusement bas. »

Vous dites : « Cette magnifique chance, l’Allemagne l’a perdue le jour où elle s’est mis en tête de faire sur son propre sol du sucre de betterave. »

Et moi, je dis : « Cette magnifique chance, la France l’a perdue le jour où elle s’est mis en tête de faire chez elle tout le fer dont elle a besoin. »

Ou si, revenant à vos doctrines de prédilection, vous voulez justifier la protection que la France accorde à l’industrie métallurgique, je vous répondrai par les arguments que vous dirigez contre la protection que l’Allemagne accorde à l’industrie sucrière.

Direz-vous que la production du fer est une source de travail pour les ouvriers français ?

J’en dirai autant de la production du sucre pour les ouvriers allemands.

Direz-vous que le travail allemand ne perdrait rien à l’importation du sucre exotique, parce qu’il serait employé à créer la contre-valeur ?

J’en dirai autant du travail français à l’égard de l’importation du fer.

Direz-vous que si les Anglais nous vendent du fer, il n’est pas sûr qu’ils prennent en retour nos articles Paris et nos vins ?