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Cette visite tira notre ami d’un état prononcé d’accablement. Il se leva, fit asseoir l’ambassadeur sur le canapé et s’assit à côté de lui. Son premier soin fut de parler de son départ d’Italie. Il s’enquit du nom du navire sur lequel M. de Rayneval se chargeait de lui procurer une chambre d’officier. M. de Rayneval l’entretint dans son illusion. Ensuite la conversation se porta sur les monuments de Rome, et Bastiat exprima son admiration pour Saint-Pierre. Ses éloges comprenaient cependant des réserves et étaient entremêlés de critiques.

… Je me mis en quête d’une garde… Il me fut impossible d’en trouver une disponible. Alors l’abbé de Monclar se décida à passer la nuit… Le médecin était venu… Il n’estimait pas que le malade pût vivre encore trente-six heures, et même en comptant les pulsations de son pouls, il s’étonnait qu’il fût au nombre des vivants.

24 décembre 1850 (mardi).

J’arrive chez lui à 5 h. du matin, comme j’en étais convenu avec M. de Monclar, que je devais remplacer. Le cher malade avait passé une nuit plus calme, grâce sans doute à l’effet de la potion calmante ; toutefois il se plaignait de n’avoir pas dormi. Quand il me vit si matin, il me dit : « Mes amis sont mes victimes. » Il m’entretint de l’effet de la potion à laquelle il attribuait une action sur son cerveau. « Je sens là deux pensées, disait-il en posant le doigt sur son front ; ma pensée ordinaire et une autre. » Ce même matin, il voulut se lever un peu plus tôt que de coutume. À 8 h. 1/2 il quitta son lit. Mais il se sentit faible, et n’essaya pas de se laver les mains et le visage, ce qu’il avait fait encore debout, la veille.

Assis sur son canapé, il m’interrogea de nouveau sur la durée de mon séjour à Rome. Ensuite il me parla de son retour en France, s’inquiétant beaucoup de savoir s’il serait possible de lui procurer des moyens de transport commodes de Marseille à Mugron, de l’installer dans chaque hôtel, au rez-de-chaussée, dans une pièce bien chaude, etc. Quand je le vis s’arrêter sur ces détails et en prendre souci, je crus devoir, pour soulager son esprit, lui proposer de l’accompagner dans son voyage… Il accepta de suite mon offre, et me dit que nous ne nous sépa-