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toujours bien venu des assiégeants s’il présente un terrain où se puissent appuyer les échelles d’abordage. Le bien public, l’intérêt général, ce ne sont plus que mots, prétextes, moyens. L’essentiel est de faire sortir d’une question la force qui aidera un parti à renverser le ministère et à lui passer sur le ventre. Ancône, Taïti, Syrie, Maroc, fortifications, droit de visite, tout est bon. Il ne s’agit que d’arranger convenablement la mise en œuvre. Alors nous sommes saturés de ces éternelles lamentations dont la forme est stéréotypée : Au dedans, la France est soutirante, inquiète, etc., etc. ; au dehors, la France est humiliée, méprisée, etc., etc. Cela est-il vrai, cela n’est-il pas vrai ? on ne s’en met pas en peine. Cette mesure nous brouillera-t-elle avec l’Europe ? Nous forcera-t-elle à maintenir éternellement 500 mille hommes sur pied ? Arrêtera-t-elle la marche de la civilisation ? Créera-t-elle des obstacles à toute administration future ? Ce n’est pas ce dont il s’agit ; une seule chose intéresse : la chute et le triomphe de deux noms propres.

Et ne croyez pas que cette sorte de perversité politique n’envahisse au sein de la Chambre que les âmes vulgaires, les cœurs dévorés d’une ambition de bas étage, les prosaïques amants des places bien rémunérées. Non ; elle s’attaque encore, et surtout, aux âmes d’élite, aux nobles cœurs, aux intelligences puissantes. Pour les dompter, pour les soumettre, il lui suffit d’éveiller dans les secrètes profondeurs de leur conscience, au lieu de cette pensée triviale : Tu réaliseras tes rêves de fortune, cette autre pensée bien autrement séductrice : Tu réaliseras tes rêves de bien public.

Nous en avons un exemple remarquable. Il n’est pas en France une tête d’homme sur laquelle se soient accumulés autant d’accusations, d’invectives, d’outrages que sur celle de M. Guizot. Si le vocabulaire des partis contenait des épi-