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mais été traité ni même aperçu, que je sache, par les partisans de la réforme parlementaire, puisque dans tous leurs projets de loi, si l’article 1er pose le principe des incompatibilités, l’article 2 se hâte de créer des exceptions en faveur des ministères, des ambassades, et de tout ce qu’on nomme hautes situations politiques, je me vois forcé de développer ma pensée avec quelque étendue.

Avant tout, je dois repousser une fin de non-recevoir. Vous dites que je suis en opposition avec la Charte. — Point du tout. — La Charte ne défend pas au député consciencieux de refuser un portefeuille, ni aux électeurs prudents de choisir parmi les candidats qui renoncent à cet illogique cumul. Si elle n’est pas prévoyante, elle ne nous interdit pas la prévoyance. Cela dit, je poursuis :

Un des prédécesseurs de M. le Préfet actuel des Landes me fit un jour l’honneur de me visiter. Les élections approchaient, et la conversation tomba naturellement sur les incompatibilités et spécialement sur l’admissibilité des députés au ministère. M. le Préfet s’étonnait, comme vous, que j’osasse professer une doctrine qui lui paraissait, comme à vous, exorbitamment rigide, impraticable, etc. Je lui dis :

Je pense, monsieur le Préfet, que vous rendrez cette justice au Conseil général des Landes, que vous y avez rencontré un grand esprit d’indépendance, mais jamais une opposition personnelle et systématique. Les mesures que vous proposez y sont examinées en elles-mêmes. Chaque membre vote pour ou contre, selon qu’il les juge bonnes ou mauvaises. Chacun consulte l’intérêt général tel qu’il le comprend, peut-être l’intérêt local, peut-être même l’intérêt personnel, mais il n’en est aucun que l’on puisse soupçonner de repousser une proposition utile émanée de vous, uniquement parce qu’elle émane de vous. — Jamais, dit M. le Préfet, la pensée ne m’est venue qu’il en pût être ainsi. —