Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/521

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À MM. LES ÉLECTEURS


DE L’ARRONDISSEMENT DE SAINT-SÉVER (1846).


Mes chers Compatriotes,

Encouragé par quelques-uns d’entre vous à me présenter aux prochaines élections, et voulant pressentir le concours sur lequel je pouvais compter, je me suis adressé à quelques électeurs. Hélas ! l’un me trouve trop avancé, l’autre pas assez ; celui-ci rejette mes opinions anti-universitaires, celui-là mes répugnances algériennes, qui mes convictions économiques, qui mes vues de réforme parlementaire, etc.

Ceci prouve que la meilleure tactique, pour un candidat, c’est de cacher ses opinions, ou, pour plus de sûreté, de n’en point avoir, et de s’en tenir prudemment au banal programme : « Je veux la liberté sans licence, l’ordre sans tyrannie, la paix sans honte et l’économie sans compromettre aucun service. »

Comme je n’aspire nullement à surprendre votre mandat, je continuerai à vous exposer sincèrement mes pensées, dussé-je par là m’aliéner encore bien des suffrages. Veuillez m’excuser si le besoin d’épancher des convictions qui me pressent me fait dépasser les limites que l’usage assigne aux professions de foi.

J’ai vu beaucoup de conservateurs, je me suis entretenu avec beaucoup d’hommes de l’opposition, et je crois pouvoir affirmer que ni l’un ni l’autre de ces deux grands partis qui divisent le parlement n’est satisfait de lui-même.

On combat à la chambre avec des boules molles.

Les conservateurs ont la majorité officielle ; ils règnent, ils gouvernent. Mais ils sentent confusément qu’ils perdent