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incapable de recourir sciemment à un tel artifice ; mais, soit entraînement de la phrase à effet, soit exigences de concision, il est certain que vous attribuez aux économistes un langage qui ne fut jamais le leur.

Jamais ils n’ont conseillé la stérilité, interdit le mariage. — Ce reproche pourrait être adressé avec plus de raison et vous l’adressez en effet au fouriérisme. — S’ils ont, non pas maudit, mais déploré l’excès de la population, ce mot même « excès » que vous employez les justifie.

Ce qu’ils ont dit sur ce grave sujet, le voici : « L’homme est un être libre, responsable et intelligent. Parce qu’il est libre, il dirige ses actions par sa volonté ; — parce qu’il est responsable, il recueille la récompense ou le châtiment de ses actions, selon qu’elles sont ou ne sont pas conformes aux lois de son être ; — parce qu’il est intelligent, sa volonté et par suite ses actes se perfectionnent sans cesse, ou par la lumière de la prévoyance ou par les leçons fatales de l’expérience. — C’est un fait que les hommes, comme tous les êtres qui ont vie, peuvent se multiplier au-delà de leurs moyens actuels de subsistance. C’est un autre fait que lorsque l’équilibre est rompu entre le nombre des hommes et les ressources qui font vivre, il y a malaise et souffrance dans la société. — Donc, il n’y a pas d’autre alternative : il faut prévoir pour que l’équilibre se maintienne ; ou souffrir pour qu’il se rétablisse. Nous concluons qu’il est à désirer que la population, prise en masse, ne suive pas une progression trop rapide, et pour cela, que les individus qui la composent n’entrent dans l’état du mariage qu’autant qu’ils ont la chance probable de pouvoir entretenir une famille. — Et comme les hommes sont libres, comme nous n’admettons pas de législation coercitive ou restrictive en cette matière, nous nous adressons à leur raison, à leurs sentiments, à leur bon sens. Le langage que nous leur faisons entendre n’a rien d’utopique ou d’abs-