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une situation naturelle, stable, qui, en favorisant le développement de ses ressources industrielles, lui permettra d’alléger le faix des taxes publiques.

N’est-il pas à craindre que le régime protecteur n’engage la France dans cette voie dangereuse d’où l’Angleterre s’efforce de sortir ? — Je l’ai déjà dit en commençant, il y a connexité nécessaire entre la protection et les colonies. Établir cette connexité, exposer toutes les conséquences qui en dérivent, au point de vue de la sécurité, ce serait dépasser de beaucoup les limites dans lesquelles je suis forcé de me renfermer ; je me bornerai à quelques aperçus.

À mesure que nos débouchés se fermeront au dehors, par l’effet de notre législation restrictive, nous nous attacherons plus fortement aux débouchés coloniaux. Nous renforcerons autant que possible notre monopole à la Martinique, à la Guadeloupe, en Algérie ; nous suivrons la politique dont le germe est contenu dans l’ordonnance qui exclut les tissus anglais de l’Afrique française. Mais, sous peine de n’être que les oppresseurs de nos colons, de n’exciter en eux que le mécontentement et la haine, il faudra bien que les faveurs soient réciproques ; il faudra bien que nous repoussions aussi de nos marchés toute production du dehors qui pourra nous être fournie, à quelque prix que ce soit, par l’Algérie ; et nous serons ainsi amenés à rompre le peu de relations qui nous lient encore avec les nations étrangères.

Dans cette substitution de marchés réservés à des marchés libres, la perte sera évidente. Nos Antilles ne sauraient nous offrir un débouché égal à celui de tous les pays où croît la canne à sucre. Quand nous aurons exclu le coton, les soies, les laines étrangères, pour protéger l’Algérie, le débouché que nous nous serons réservé en Afrique sera loin, bien loin de compenser celui que nous aurons perdu aux États-Unis, en Italie, en Espagne ; et nous serons plus engorgés que jamais. Il faudra donc marcher à la conquête