Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 1.djvu/416

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais afin qu’on ne soit pas porté à s’exagérer la libéralité de l’œuvre des torys, non plus qu’à en méconnaître l’importance, je crois devoir faire suivre cet exposé de quelques réflexions.

Quelle différence caractérise la politique de Peel et celle de Russel ? Comment le ministère whig est-il tombé pour avoir proposé une réforme qu’accomplissent ceux qui l’ont renversé ? C’est une question qui se présentera naturellement à l’esprit, dans l’état d’ignorance où la presse tient systématiquement le public français sur les affaires de l’Angleterre.

Le plan adopté par sir R. Peel répond à deux pensées : la première, c’est de relever le revenu public par l’accroissement de la consommation ; la seconde, de ménager, autant que possible, les intérêts aristocratiques et coloniaux. Soulager les masses, dans la mesure nécessaire pour rétablir l’équilibre des finances, n’abandonner du monopole que ce qui est indispensable pour atteindre ce but ; telle est la tâche que le ministère accomplit du consentement des torys. On conçoit que la situation de la Grande-Bretagne commandait si impérieusement de mettre un terme au déficit annuel du budget, que les torys eux-mêmes se soient vus forcés de laisser entamer le monopole.

Mais naturellement ils ont exigé du ministère qu’il en retînt tout ce qu’il est possible d’en retenir. Aussi sir R. Peel n’a pas songé à établir l’impôt foncier ; et il n’a touché que d’une manière illusoire à la protection dont jouissent les céréales, c’est-à-dire les seigneurs terriens.

Quant aux colonies, la protection leur est continuée et semble même leur promettre un nouvel avenir. Il est vrai que le nivellement tend à s’établir pour le sucre, le café et ce qu’on nomme les denrées tropicales ; il et vrai encore que les droits ont été abaissés sur une foule d’objets de provenance étrangère et dans une forte proportion ; mais ils