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ce sont autant de pas vers la sainte alliance des peuples.

Une des plus significatives manifestations officielles de cette tendance, c’est, sans contredit, le traité qui se négocia il y a deux ans entre la France et l’Angleterre. Alors, si l’industrie vinicole avait eu l’œil ouvert sur ses véritables intérêts, elle aurait entrevu et hâté de sa part d’influence un avenir de prospérité dont elle ne se fait probablement aucune idée. À aucune époque, en effet, une perspective aussi brillante ne s’était montrée à la France méridionale. Non-seulement l’Angleterre abaissait les droits dont elle a frappé nos vins, mais encore, par une innovation d’une incalculable portée, elle substituait au droit uniforme, si défavorable aux vins communs, le droit graduel qui, en maintenant une taxe assez élevée sur le vin de luxe, réduisait dans une grande proportion celle qui pèse sur le vin de basse qualité. Dès lors ce n’étaient plus quelques caves aristocratiques, c’étaient les fermes, les ateliers, les chaumières de la Grande-Bretagne qui s’ouvraient à notre production. Ce n’était plus l’Aï, le Laffitte et le Sauterne qui avaient le privilége de traverser la Manche, c’était la France vinicole tout entière qui rencontrait tout d’un coup vingt millions de consommateurs. Je n’essaierai point de calculer la portée d’une telle révolution et son influence sur nos vignobles, notre marine marchande et nos villes commerciales ; mais je ne pense pas que personne puisse mettre en doute que, sous l’empire de ce traité, le travail, le revenu et le capital territorial de notre département n’eussent reçu un rapide et prodigieux accroissement.

À un autre point de vue, c’était une belle conquête que celle du principe du droit graduel, acheminement vers l’adoption générale de la taxe dite ad valorem, seule juste, seule équitable, seule conforme aux vrais principes de la science. Le droit uniforme est de nature aristocratique ; il ne laisse subsister quelques relations qu’entre les produc-