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qu’elles sont incompatibles, que les gros traitements et la multiplication des places excluent non-seulement la liberté, mais encore l’ordre et la tranquillité publiques, qu’ils compromettent la stabilité des gouvernements, vicient les idées des peuples et corrompent leurs mœurs, on ne s’étonnera plus que j’attache tant d’importance au choix des députés qui nous permettent d’espérer la destruction d’un tel abus.

Or, que peut-il exister de liberté là où, pour soutenir d’énormes dépenses, le gouvernement, forcé de prélever d’énormes tributs, se voit réduit à recourir aux contributions les plus vexatoires, aux monopoles les plus injustes, aux exactions les plus odieuses, à envahir le domaine des industries privées, à rétrécir sans cesse le cercle de l’activité individuelle, à se faire marchand, fabricant, courrier, professeur, et non-seulement à mettre à très-haut prix ses services, mais encore à éloigner, par l’aspect des châtiments destinés au crime, toute concurrence qui menacerait de diminuer ses profits ? Sommes-nous libres si le gouvernement épie tous nos mouvements pour les taxer, soumet toutes les actions aux recherches des employés, entrave toutes les entreprises, enchaîne toutes les facultés, s’interpose entre tous les échanges pour gêner les uns, empêcher les autres et les rançonner presque tous ?

Peut-on attendre de l’ordre d’un régime qui, plaçant sur tous les points du territoire des millions d’appâts offerts à la cupidité, donne perpétuellement, à tout un vaste royaume, l’aspect que présente une grande ville au jour des distributions gratuites ?

Croit-on que la stabilité du pouvoir soit bien assurée lorsque, abandonné par les peuples, qu’il s’est aliénés par ses exactions, il reste livré sans défense aux attaques des ambitieux ; lorsque les portefeuilles sont assaillis et défendus avec acharnement, et que les assiégeants s’appuient sur la rébellion comme les assiégés sur le despotisme, les uns