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Revue des deux Mondes, j’aurais continué l’histoire si intéressante de la Ligue jusqu’à la fin de la crise ministérielle. Mais il ne m’a pas même répondu. — Je crains bien que ces directeurs de journaux ne voient, dans les événements les plus importants, qu’une occasion de satisfaire la curiosité de l’abonné, prêts à crier, selon l’occurrence : Vive le roi, vive la Ligue !

La chambre de commerce de Bordeaux vient d’élever la bannière de la liberté commerciale. Malheureusement elle prend selon moi un texte trop restreint : l’Union douanière entre la France et la Belgique. Je vais lui adresser une lettre où je m’efforcerai de lui faire voir qu’elle aurait bien plus de puissance si elle se vouait à la cause du principe, et non à celle d’une application spéciale à tel ou tel traité. — C’est la fallacy de la réciprocité qui paralyse les efforts de cette chambre. — Les traités lui sourient parce qu’elle y voit la stipulation possible d’avantages réciproques, de concessions réciproques, et même de sacrifices réciproques. Sous ces apparences libérales, se cache toujours la pensée funeste que l’importation en elle-même est un mal, et qu’on ne le doit tolérer qu’après avoir amené l’étranger à tolérer de son côté notre exportation. Comme modèle à suivre, j’accompagnerai ma lettre d’une copie de la fameuse délibération de la chambre de commerce de Manchester des 13 et 20 décembre 1838. — Pourquoi la chambre de commerce de Bordeaux ne prendrait-elle pas en France la généreuse initiative qu’a prise en Angleterre la chambre de commerce de Manchester ?

Connaissant vos engagements si étendus, j’ose à peine vous demander de m’écrire. Cependant, veuillez vous rappeler, de temps en temps, que vos lettres sont le baume le plus efficace pour calmer les ennuis de ma solitude et les tourments qui naissent du sentiment de mon inutilité.