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d’autres sur la portée de votre mouvement, j’acquerrais dans le public une certaine autorité. — Je vois tout cela, et cependant je languis dans une bourgade du département des Landes. — Pourquoi ? Je crois vous en avoir dit quelques mots dans une de mes lettres. — Je suis ici dans une position honorable et tranquille, quoique modeste. À Paris, je ne pourrais me suffire qu’en tirant parti de ma plume, chose que je ne blâme pas chez les autres, mais pour laquelle j’éprouve une répugnance invincible. — Il faut donc vivre et mourir dans mon coin, comme Prométhée sur son rocher.

Vous aurez peut-être une idée de la souffrance morale que j’éprouve, quand je vous dirai qu’on a essayé d’organiser une Ligue à Paris. Cette tentative a échoué et devait échouer. La proposition en a été faite dans un dîner de vingt personnes où assistaient deux ex-ministres. Jugez comme cela pouvait réussir ! Parmi les convives, l’un veut 1/2 liberté, l’autre 1/4 liberté, l’autre 1/8 liberté, trois ou quatre peut-être sont prêts à demander la liberté en principe. Allez-moi faire avec cela une association unie, ardente, dévouée. Si j’eusse été à Paris, une telle faute n’eût pas été commise. J’ai trop étudié ce qui fait la force et le succès de votre organisation. — Ce n’est pas du milieu d’hommes fortuitement assemblés que peut surgir une ligue vivace. Ainsi que je l’écrivais à M. Fonteyraud, ne soyons que dix, que cinq, que deux s’il le faut, mais élevons le drapeau de la liberté absolue, du principe absolu ; et attendons que ceux qui ont la même foi se joignent à nous. Si le hasard m’avait fait naître avec une fortune plus assurée, avec dix à douze mille francs de rente, il y aurait en ce moment une ligue en France, bien faible sans doute, mais portant dans son sein les deux principes de toute force, la vérité et le dévouement.

Sur votre recommandation, j’ai offert mes services à M. Buloz. S’il m’avait chargé de l’article à insérer dans la