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pas les difficultés. Au premier moment, je me félicitais de la majorité qui l’a porté à la présidence. J’ai nommé Cavaignac, parce que je suis sûr de sa parfaite loyauté et de son intelligence ; mais tout en le nommant, je sentais que le pouvoir lui serait lourd. Il a fait tête à un orage terrible, il s’est attiré des haines inextinguibles, le parti du désordre ne lui pardonnera jamais. Si c’était un avantage, un homme dont le républicanisme fût assuré et qui en même temps ne pût plus pactiser avec les rouges, d’un autre côté, ce passé même lui créait de grandes difficultés. Un moment j’ai espéré que l’apparition sur la scène d’un personnage nouveau, sans relations avec les partis, pouvait inaugurer une ère nouvelle… Quoi qu’il en soit, moi et tous les républicains sincères avons pris le parti de nous rattacher à ce produit du suffrage universel. Je n’ai pas vu dans la chambre l’ombre d’une opposition systématique…

D’un autre côté, les partisans des dynasties déchues, sauf à se battre entre eux plus tard, commencent par démolir la république. Ils savent bien que l’assemblée est notre ancre de salut ; aussi ils s’ingénient à la faire dissoudre, et provoquent des pétitions dans ce sens. Un coup d’État est imminent. D’où viendra-t-il ? qu’amènera-t-il ? Ce qu’il y a de pis, c’est que les masses préfèrent le président à l’assemblée.

Pour moi, mon cher Félix, je me tiens en dehors de toutes ces intrigues. Autant que mes forces me le permettent, je m’occupe de faire prévaloir mon programme. Tu le connais dans sa généralité. Voici le plan pratique : réformer la poste, le sel et les boissons ; de là déficit dans le budget des recettes, qui sera réduit à 12 ou 1 300 millions ; — exiger du pouvoir qu’il y conforme le budget des dépenses ; lui déclarer que nous n’entendons pas qu’il dépense une obole de plus ; le forcer ainsi à renoncer, au dehors, à toute intervention, au dedans, à toutes les utopies