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tendue avec anxiété et même avec inquiétude. J’espère qu’elle produira un bon effet sur l’opinion publique.

Tu me demandes mon opinion sur les prochaines élections. Je ne puis comprendre comment, avec des principes identiques, le milieu où nous vivons suffit pour nous faire voir les choses à un point de vue si différent. Quels journaux, quelles informations recevez-vous, pour dire que Cavaignac penche du côté de la Montagne ? Cavaignac a été mis où il est pour soutenir la république, et il le fera consciencieusement. L’aimerait-on mieux s’il la trahissait ? En même temps qu’il veut la république, il comprend les conditions de sa durée. Reportons-nous à l’époque des élections générales. Quel était alors le sentiment à peu près universel ? Il y avait un certain nombre de vrais et honnêtes républicains, ensuite une multitude immense jusque-là divisée, qui n’avait ni demandé ni désiré la république, mais à qui la révolution de février avait ouvert les yeux. Elle comprit que la monarchie avait fait son temps, elle voulait se rallier à l’ordre nouveau et le soumettre à l’expérience. J’ose dire que ce fut là l’esprit dominant, comme l’atteste le résultat électoral. La masse choisit ses représentants parmi les républicains dont j’ai parlé ; en sorte qu’on peut considérer ces deux catégories comme composant la nation. Cependant, au-dessus et au-dessous de ce corps immense, il y a deux partis. Celui de dessus s’appelle république rouge et se compose d’hommes qui font assaut d’exagération quand il s’agit de flatter les passions populaires ; celui de dessous s’appelle réaction. Il reçoit tous ceux qui aspirent à renverser la république, à lui tendre des piéges et à embarrasser sa marche.

Voilà la situation des premiers jours de mai ; et pour comprendre la suite, il ne faut pas oublier que le pouvoir était alors aux mains de la république rouge, dominée encore par des partis plus extrêmes et plus violents.