On prit du bout des dents une ronce sauvage.
On ne galopa plus le reste du voyage ;
À peine, après deux jours, alloit-on même au pas.
Jugeant alors la leçon faite,
Le père va reprendre une route secrète
Que son fils ne connoissoit pas,
Et le ramène à sa prairie
Au milieu de la nuit. Dès que notre poulain
Retrouve un peu d’herbe fleurie,
Il se jette dessus. « Ah ! l’excellent festin,
La bonne herbe ! dit-il, comme elle est douce & tendre !
Mon père, il ne faut pas s’attendre
Que nous puissions rencontrer mieux ;
Fixons-nous pour jamais dans ces aimables lieux :
Quel pays peut valoir cet asile champêtre ? »
Comme il parloit ainsi, le jour vint à paroître.
Le poulain reconnoît le pré qu’il a quitté :
Il demeure confus. Le père avec bonté
Lui dit : « Mon cher enfant, retiens cette maxime :
Quiconque jouit trop est bientôt dégoûté ;
Il faut au bonheur du régime »
Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/87
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