Page:Œuvres complètes de Florian, Fauché-Borel, 1793, tome 9 - fables.djvu/76

Cette page n’a pas encore été corrigée

La mort va me saisir, je n’ai plus qu’un instant ;
       N’assassine pas un mourant
Qui fut ton bienfaiteur. Je te coupe avec peine,
Répond le jardinier ; mais j’ai besoin de bois.
       Alors, gazouillant à la fois,
       De rossignols une centaine
S’écrie : « Épargne-le, nous n’avons plus que lui.
Lorsque ta femme vient s’asseoir sous son ombrage,
Nous la réjouissons par notre doux ramage ;
Elle est seule souvent, nous charmons son ennui.
Le jardinier les chasse & rit de leur requête ;
Il frappe un second coup. D’abeilles un essaim
Sort aussitôt du tronc, en lui disant : Arrête,
       Écoute-nous, homme inhumain :
       Si tu nous laisses cet asile,
       Chaque jour nous te donnerons
Un miel délicieux, dont tu peux à la ville
       Porter & vendre les rayons ;
 Cela te touche-t-il ? J’en pleure de tendresse, 
       Répond l’avare jardinier :
 Eh ! que ne dois-je pas à ce pauvre poirier
       Qui m’a nourri dans sa jeunesse ?
 Ma femme quelquefois vient ouïr ces oiseaux ;
C’en est assez pour moi : qu’ils chantent en repos.
Et vous qui daignerez augmenter mon aisance,
Je veux pour vous de fleurs semer tout ce canton.
Cela dit, il s’en va, sûr de sa récompense,